"En ces temps d'extimité exacerbée"

Publié le par Emmanne

J'ai lu ça dans un article sur Rue 89 et l'expression m'a percutée.Me questionnant sur mon besoin quasi compulsif d'exprimer, de dire, de partager ... cette souffrance , de l'inscrire dans un autre lieu que mon esprit et mon coeur.. de la donner à voir, d'en attendre des commentaires, bienveillants de préférence et une reconnaissance de la légitimité de cette peine éprouvée pourtant dans le secret.Souffrance réputée impartageable... tentatives sans cesse renouvelées d'user la douleur, de la façonner en la mettant en mots,de la prendre , la tordre et la jeter à l’extérieur .. afin de ne plus en être la victime, le jouet.

Je rédige à la fois un journal intime sur les effets de la mort de ma fille, et un journal extime...ici et sur le forum... écritures complémentaires qui cherchent à être accueillies et partagées.

On écrit toujours pour quelqu'un...je m'écris à moi-même et parallèlement j'écris pour des "pareils", des endeuillés....leur regard valide mon chagrin.J'ai deux vies.

Il y a de l'indécence à exposer ainsi ses convulsions de chagrin?S'exposer ainsi ,au risque de l'incompréhension, du jugement hâtif et des conseils inutilisables...puise ses racines dans un besoin féroce.

La retenue doit elle être la norme face à la mort de l'autre, autre essentiel qui manque d'abominable façon?

Les mots deviennent ils une manière d'apprivoiser la souffrance en la polissant de mots crachés à la face de l'univers pourtant indifférent?

Le partage social des émotions devient il une nouvelle manière d’être en deuil?Le réconfort ne venant plus que de ses pairs, devenus experts en chagrin, en manque, en douleur, en absence...un savoir durement acquis...

La chaleur humaine reçue en retour est elle finalement le seul baume capable à la fois d'adoucir et d’endurcir la peau à vif de l'endeuillé, sa peau psychique... et lui permettre ainsi de continuer, à son rythme, à son pas, une vie différente où il s'agit de renouer entre eux les fils saccagés, de tricoter autrement ces fils là...ravaudant partiellement la déchirure...?Ecrire serait alors aussi une demande masquée...avide...vitale...

La solitude de l'écrivant est une fausse solitude... elle est accompagnée par le regard et la présence des autres...Derrière la feuille blanche, derrière le clavier...dans le livre , devant d'écran...des liens ténus , réels et virtuels se font et se défont.Etre relié est vital lors de la traversée d'une telle épreuve qui déshumanise tant ... recréer un lien avec soi, un lien avec d'autres....amis ou inconnus... permet de sortir de la douleur brute, écrasante,invivable.Et de revivre, après...

Publié dans Blog de Deuil

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A
Le partage social des émotions liées à la perte de son enfant est une planche de salut. Merci de continuer d'écrire si vous le pouvez. Anne D.
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E
Merci Anne...je partage, vous recevez et partagez...