Mort, deuil et confinement.

Publié le par Emmanne

Les mots ont toute leur importance, oui c'est bien de confinement qu'il s'agit et pas seulement de distanciation sociale, drôle de mot ...et ça aura un effet sur la mort...plus de morts égale plus d'endeuillés avec  moins de soutien amical familial,professionel... et donc sur le deuil...

Dernière sortie avant le confinement anticipé, hier:le cimetière ...arroser un peu, contempler beaucoup.. J'y re irai...en restant à distance des autres endeuillés.J'ai encore besoin de "la" visiter parfois...J'irai à pied, ce sera ma sortie maintien de la forme physique et marche au grand air...

Dernière interaction sociale en direct,hier, mon amie qui me dépose des livres, on discute à 1,5m, elle craint que cette fois-ci  on ne  lui interdise les visites à sa mère, en fin de vie qui s'éteint doucement...

Ben oui, des gens vont mourir seuls...des gens meurent seuls déjà... Qui a le temps de parler aux Alzheimerisés sévère?Qui prend le temps de les  nourrir ,patiemment ?mon oncle, à domicile est aidé par sa fille  ans le jura quand  ma tante , en institution en bretagne , dépérit lentement, sa fille ne peut plus aller la voir...

"Bientôt on en connaitra, des morts, des gens qu'on connait" dit mon fils, lucide , et inquiet pour moi, plus de 60 ans , bientôt les intubations ne se feront plus au delà de cet age, si les réa sont sur saturées...C'est réussi, ça me fait flipper...je ne me sentais ni vieille ni fragile...avant.

Gros coup de blues après l'annonce du confinement, c'est la solitude qui m'angoisse et la perte des contacts...le téléphone ne remplace pas le lien ...Je me remets à peine de l'anniversaire de sa mort...j'ai besoin des autres...

Puis ....on se calme!...je me calme! Et je pense aux détenus sans parloirs, aux malades sans visites, aux enterrements sans entourage ou très clairsemé...aux bénéficiaires des restos du coeur ,en panne de bénévoles âgés en  majorité...aux confinées avec leur mari violent,aux fragiles qui vont mal vivre cette période déstructurée...aux décompensations inévitables,à la souffrance ajouté à la souffrance habituelle...deuil ou épreuves...

Et je me re calme... A quoi ça sert de penser à toute la misère du monde? De porter sur mes petites basket toute la détresse que je peux imaginer?

Remettre en perspective et relativiser est salutaire...Agir est bénéfique...

Se donner des objectifs locaux et réalistes...pour sortir de cette sidération anxieuse et installer de nouveaux repères et une routine rassurante.:

1/Créer un groupe d'entraide virtuel pour les parents endeuillés des groupes où je suis intervenue ,échanger des ressources et des informations et surtout partager.. le maitre mot!.

2/ Proposer mon aide et mon écoute à mes collègues malmenés par cette crise sanitaire qui impacte fort les enseignants et les directrices...

3/Appeler chaque jour une personne de mon entourage.En plus des essentiels:mes  2 enfants,  ma mère, ma soeur,ma meilleure amie .

4/Bouger un peu quand même, et sortir chaque jour prendre l'air et marcher seule...

5/Ecrire de vraies lettres sur  du vrai papier à quelques  gens que j'aime.

6/Profiter de ce temps libre pour penser autrement à Emmanuelle.La crise remet les vivants au centre des préoccupations et c'est pas si facile à gérer...Lui trouver sa juste place... ce que je ne sais toujours pas faire...D’ailleurs la psy que je voulais voir pour parler de ma fille est trop éloignée de ma banlieue, il faut que je trouve quelqu’un d'autre, plus près. Zut, les cabinets de psy doivent aussi être fermé... je découvre chaque heure de nouvelles restrictions... inenvisagées hier.

Apprendre vite pour s'adapter vite...

Même c'est surréaliste cette sensation d’être dans un mauvais film de SF...incrédule que ça nous arrive...et inquiétude archaïque face aux épidémies qui refait surface.J'ai craqué ce midi...submergée... mais ça ne dure pas, rien ne dure, tout passe...même ce petit passage de sidération devant la mise à l'écart forcée...toute petite sidération qui n'a rien à voir du tout avec la grosse et grande et longue vraie sidération de sa mort... mais ...il y a un petit quelquechose de semblable et ça me perturbe beaucoup...

Soupirs solitaires...soupirs ...soupirs...

 

Publié dans Blog de Deuil

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F
Cette impression une fois de plus d'être comme un fétu de paille, aussitôt emportée par des vents contre lesquels je me sens impuissante ... et un sentiment de colère qui émerge alors toujours un peu, en prenant cette nouvelle épreuve comme un affront personnel. Et puis quoi d'autre encore ??<br /> La tristesse, en pensant que les plus proches et les seuls avec qui je pourrais "physiquement "échanger sont allongés tout au bout du chemin dans ce petit carré de terre partagée ...<br /> J'ouvre grand mes oreilles, mon cœur est béant et je n'attends que d'entendre ta voix qui me dira : "Ca va aller, ne t'inquiète pas, ça va aller ..."<br /> <br /> A tous, je pense. Prenez soin de vous. Prends soin de toi.
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