Le deuil et la fatigue...la fatigue du deuil...

La mort arrive par surprise et fracasse une existence...et toutes les existences autour en sont bouleversées au mieux.. fracassée également ,au pire... mon existence a été fracassée lors de la mort d'Emmanuelle...

Lutter contre ce choc a demandé toutes mes forces pour ne pas sombrer dans la folie, pour ne pas lâcher l'affaire, pour ne pas m'effondre , me dissoudre... dans le néant moi aussi...et ça demande tellement d'énergie que la fatigue est démentielle...

Survivre est une épreuve de chaque seconde dans les débuts...tout l'esprit, tout le corps tendu vers le refus de ce qui est advenu...

Vivre est fatigant dans ces conditions...

Dormir est impossible... la fatigue s'accumule...

Manger est accessoire, la fatigue est encore là...

La fatigue du deuil est omniprésente.. profonde, essentielle...

La fatigue de vivre plombe tout...car chaque geste, chaque action est un exploit...le ressort est cassé...Une fatigue épaisse, lourde... sombre ... qui entrave le mouvement...Je me dis souvent que je suis fatiguée,crevée, rincée, essorée,lessivée, HS,exténuée ... asthénique, je le dis jamais, c'est trop "médical" et ma fatigue elle n'est pas médicale, c'est juste la fatigue normale de l'endeuillée qui use ses forces à survivre, à comprendre, à accepter , à avancer heure après heure puis jour après jour...à vivre sans Elle.. dans un monde sans relief...

Une fatigue trop souvent minimisée...une fatigue qui se dit, que je dis.... à la place du chagrin...le matin les yeux cernés et abattus.. il est plus facile et accepté par les autres de dire que je suis fatiguée plutôt que je suis si triste de la mort de ma fille...une fatigue-équivalent douleur morale ou dépressivité... socialement mieux accueillie...