En vérité...
Je vais mieux, je vais moins bien, je tangue , j'oscille...je vais mieux, une date me replonge en souffrance brute...le deuil au long cours a quelque chose de déroutant...
Je me demande si le mieux ressenti n'est pas une nouvelle anesthésie émotionnelle?
Une nouvelle manière de fuir la douleur en l'esquivant et enfouissant bien profond?
La vérité c'est que chacun trace sa route comme il/elle peut...que les recettes des uns ne sont pas facilement transférables..Unique , sa mort est unique, comme Elle l'était...
La vérité c'est que certains deuils durent très longtemps et que la souffrance s'installe pour des années...et que c'est normal...La mort de son enfant est une épreuve qui atteint tous les domaines de sa vie..la reconstruction d'une autre vie, prend du temps et encore du temps...
Ceux qui arrivent à un vrai "apaisement " assez rapidement sont des "chanceux" ou ont des ressources plus facilement disponibles ...ou des croyances aidantes...ou...
Entre les bouffées de chagrin intense, je vais pourtant bien mieux..mais je ne vais plus jamais bien...Je me sais abimée de l'intérieur par cette mort...brutale et ce manque absolu...de ma fille.
Mais ça ne m’empêche pas de vivre quand même...malgré ce deuil compliqué(mort jeune, mort brutale, prélèvements d'organes, procès en cours..ça donne de nombreuses fragilités surajoutées..)...Je fais face avec vaillance et je suis plutôt "contente" de moi,de tout ce que j'ai fait...ébranlée depuis longtemps mais pas abattue... c'est déjà une victoire...
Et je sais que le procès plane sur mon deuil en permanence... Aujourd'hui, la partie adverse avait jusqu'à aujourd'hui pour déposer leurs conclusions définitives... nous sommes suspendus au mail de notre avocat... espérant une date, enfin ,de plaidoirie... enfin... pour clore le volet judiciaire de sa mort.J'attends seulement la reconnaissance de sa responsabilité , à ce jeune danois... ça fera 7 ans le 6 mars prochain...7 ans!
et je suis depuis quelques jours en mode comptage des jours, compte à rebours et revisite des jours d'avant , avant l'accident...LA date "anniversaire " de sa mort, qui approche, brasse toutes les émotions du deuil... TOUTES...
Mais au fil du temps c'est de plus en plus difficile de les partager...même ici...même avec mes proches...même dans mon journal de deuil... Tout s'use...Rien ne dure éternellement.
Il faudrait aller encore mieux... l'injonction de la société tout entière... me/nous oblige à camoufler un peu plus l'expression de la détresse morale qui subsiste..
Emmanuelle est morte. Je ne lutte plus contre cette vérité.Je vis avec.
Je suis devenue une pro absolue du costume étroit du OUI, ça va bien , dans ma vie de tous les jours...avec mon entourage... presque tous...pas tous... heureusement je fais des petits dépôts/partages réguliers de chagrin ...ici, sur le forum, avec 2 amies...
Je sais que je garde précieusement le lien de douleur avec Emmanuelle-morte, il ne me reste que ça...Je ne suis pas la seule.Il parait que c'est pas bien...Le lien intérieur se fait attendre, le néant demeure la seule option... mais ça ne me ravage plus...
Sa mort est tissée dans la trame même de mon existence, de mon esprit ...à jamais.Sa mort, son absence et leurs effets sur moi, ma famille...
Écrire use la souffrance.J'écris.Je crie.En silence.Seule.
Emmanuelle manque.