Le deuil ne rend pas meilleure...
Ben non le malheur ne nous grandit pas...je ne suis pas une meilleure femme depuis la mort de ma fille.Je suis même sûrement devenue moins tolérante, plus égoïste... les malheurs des autres sont relativisés par mon malheur à moi, je sais, c'est pas politiquement correct d'écrire ça.. mais c'est vrai même si je lutte contre ces pensées...
J'ai plus d'empathie pour les autres, ça c'est vrai...mais je supporte moins les plaintes même quand elles sont justifiées...Tous les autres malheurs me semblent plus facile, je sais que c'est faux , je le sais avec ma raison, avec mon cerveau...mais avec mon coeur ils se mettent en perspective...
Pourtant je plains sincèrement mes amies qui ont perdu une mère, un père...à nos ages, les rangs des parents commencent à s'éclaircir...ils meurent beaucoup...cela ne rend pas pour autant ces morts banales pour celui qui la vit... Je sais que c'est une vraie épreuve, que la vie en est changée ,que la peine est profonde,que l’enfance meurt avec eux...elles ont quelque chose de normal, de naturel ,ces morts là,même si le chagrin peut être immense et intense ...je sais aussi qu'on s'en remet de ces morts...en général...
Moi pas...abimée à cœur par la mort de ma fille...
La maladie grave est aussi une épreuve... mais on peut vivre avec ,on peut même guérir... alors c'est pas comme la mort qui a ce coté absolument définitif qui me chavire tant le cœur...
Ma fille est définitivement morte...
La douleur physique permanente fait écho à ma douleur morale permanente...et je me garde bien de les comparer nos douleurs, mon cousin est écrasé de douleurs en plus du handicap qui limite ses gestes... j'admire son courage.
L'accident de moto, grave, de mon fils...m'a laissée étonnamment calme, il n'était pas mort, c'était pas grave donc... puisque rien de définitif n'est advenu ...pourtant il a souffert et il en garde des séquelles qui limitent sa vie quotidienne...Je planais au dessus des péripéties que la vie nous balance...
Ma devise du moment était:" rien n'est grave!"
Je m'en veux de cette relative indifférence, passée et encore présente...
Drapée dans ma douleur de mère, je ploie toujours sous le poids du chagrin ,sans énergie pour la prêter aux autres...avec un genre d'anesthésie émotionnelle qui me protège et qui m'isole...
Il y a quelques mois encore, le scandale injuste de la mort, quel que soit l'age ...me taraudait,le temps passant... j'oscille entre mourir vieux c'est normal et mourir jeune c'est un pire scandale...Sa mort ne passe pas.. je n'accepte pas...ni qu'Elle soit morte ni qu'Elle ait dû mourir...Ça me rend méchante?En colère?Envieuse?Jalouse?